Parmi les phénomènes liés au vieillissement, on connaît surtout l’oxydation des tissus et sa production de mauvais radicaux libres. On parle beaucoup moins de la glycation qui se fait dans notre corps, à partir des sucres.
Il s’agit pourtant, d’un phénomène majeur de dégradation de nos tissus, responsable notamment de leur perte d’élasticité et de souplesse dans le vieillissement, et bien d’autres dégâts…
La glycation ou glycosylation des protéines
La réaction de glycation
Dans notre corps, cette réaction se fait entre des sucres (par exemple le glucose) et essentiellement des protéines ou des acides aminés. C’est une réaction normale (appelée glycosylation) qui sert à fabriquer des glycoprotéines utiles au fonctionnement du corps. Cette réaction est contrôlée par certaines de nos enzymes. Elle est favorisée par des taux de glucose importants dans le sang (glycémie élevée) mais d’autres sucres, comme le galactose du lait et surtout le fructose (50 fois plus), sont encore plus aptes à déclencher cette réaction qui peut devenir alors trop importante et malsaine.
D’autre part, cette liaison sucres-protéines peut survenir dans d’autres conditions, sans utiliser nos enzymes. Elle est alors pathologique.
Pour simplifier, nous ne détaillerons pas les 3 phases de cette réaction mais seulement celles de la troisième qui est irréversible. C’est la « réaction de Maillard » connue depuis longtemps (1912), que l’on observe dans le brunissement des denrées alimentaires avec le temps ou bien lors de fortes cuissons (au-dessus de 120°). On le voit tous les jours en cuisine dans le brunissement de la viande qui cuit, les pommes de terre frites, le fromage gratiné, etc… C’est une sorte de « caramélisation » des protéines qui se fait avec des sucres (glucides). Ce léger ‘roussi’ des aliments peut exciter nos papilles gustatives mais il est toxique pour notre santé, notre corps étant très mal équipé pour s’en débarrasser.
Les glycotoxines (ou AGEs)
La glycation donne naissance à des composés, les « glycotoxines » (ou AGEs Advanced Glycation End products) où plusieurs éléments protéinés se relient entre eux, perdant ainsi de leur mobilité. Ceci diminue la souplesse des structures concernées (le collagène en particulier). Elle favorise une fibrose des tissus qui perdent leur élasticité mais elle peut aussi perturber le fonctionnement interne de nos cellules (glycation intracellulaire). La cellule ne sait quasiment pas éliminer les glycotoxines issues de la glycation. Ces toxines s’y accumulent avec le temps, pour l’entraîner vers la mort cellulaire.
L’acrylamide est une glycotoxine des plus toxiques, surtout pour nos neurones. Elle est hélas de plus en plus présente dans notre alimentation depuis ces dernières décennies. Il s’en produit beaucoup lors de la cuisson à haute température de produits riches en amidon et en asparagine (un acide aminé) : les céréales, pommes de terre, viennoiseries, biscuits…
Vieillissement et glycotoxines
Notre corps fabrique aussi des glycotoxines en faible quantité et cette production augmente avec l’âge. De plus, nos reins qui éliminent plus des 2/3 de nos glycotoxines en temps normal, voient également leur fonction diminuer en vieillissant.
Quoiqu’il en soit, les quantités de glycotoxines issues de notre alimentation moderne occidentale sont sans commune mesure (des millions de fois plus) avec celles que notre corps produit. Et on peut les éviter…
Beaucoup d’études montrent des corrélations entre la charge en glycotoxines et le développement des maladies liées à l’âge : artériosclérose, diabète, Alzheimer, cataracte, arthrose…
Dans notre corps, les tissus se « caramélisent »
L’artériosclérose, où les vaisseaux sanguins perdent leur souplesse, en est un bon exemple. Ce phénomène de durcissement peut s’observer sur tous les tissus, en particulier : la peau, le cristallin de l’oeil, les tendons et capsules articulaires…
Divers composés issus de la glycation peuvent se déposer sur les parois des vaisseaux. Ceux du rein et de la rétine, particulièrement fins, sont plus exposés. On retrouve des lésions de glycation dans le diabète (à cause de l’excès de glucose dans le sang), la maladie d’Alzheimer, des rétinopathies et certaines maladies rénales… Notons que les glycotoxines sont particulièrement néfastes pour les tissus nerveux.
La glycation avancée est une réaction lente mais quasi-irréversible et cumulative. De plus, elle favorise les réactions d’oxydation (avec formation de radicaux libres) ainsi que l’inflammation, qui accélèrent aussi le vieillissement. L’hypercoagulation sanguine et l’augmentation du taux de cholestérol sont aussi favorisées.
Les glycotoxines générées par la glycation peuvent freiner l’action de nos hormones, de nos enzymes, des antioxydants et de certains mécanismes de défense immunitaire. Ils sont toxiques pour le rein et peuvent conduire à l’insuffisance rénale, comme dans le diabète.
Lutter contre la glycation pour conserver l’élasticité des tissus
Etes-vous glyqué(e) ?
Certains signes faciles à repérer sont liés aux processus de glycation et peuvent donner une indication :
- taches brunes de la peau,
- opacité du cristallin de l’oeil,
- perte de souplesse de la peau (augmentation du temps de disparition du pli cutané lorsqu’on se pince la peau du dos de la main par exemple),
- augmentation du taux sanguin d’hémoglobine glycosylée…
Améliorer son alimentation
L’alimentation peut apporter des produits dérivés de la glycation, ou bien pouvant la favoriser. Il faut, en premier lieu, les limiter.
Même si votre intestin sensible ne vous permet pas de manger beaucoup d’aliments crus, il est toujours possible d’éviter les aliments trop cuits (grillés) et contenant des produits de Maillard : aliments brunis ou roussis, gratinés, caramélisés. Le mode de cuisson peut multiplier jusqu’à 10 fois la quantité de produits de la glycation par rapport au même produit bouilli par exemple. La peau dorée des volailles ou poissons grillés, ou pire : frits ou panés, est particulièrement riche en produits de Maillard (2). Idem la croûte du pain, les biscottes, biscuits, beignets, fritures, etc…
Tout ce qui provoque des pics de glycémie (sucre dans le sang), dont les aliments à index glycémique élevé, les grignotages sucrés, les sodas, pâtisseries…, vont évidemment favoriser la glycation. Il s’agit aussi des céréales, pates et farines trop raffinées, des viennoiseries, confitures, pommes de terre, etc…
Parmi les champions de la teneur en glycotoxines : les viandes grillées (n’oublions pas que ce sont des muscles d’animaux donc chargés de glycogène qui est un sucre) et les produits industriels auxquels on rajoute des protéines ou poudres de lait (pâtes à biscuits, pizzas, fast-food, fromages industriels, etc…).
Cuire en milieu acide et humide réduit la formation de glycotoxines (cuisiner avec de la tomate, du vinaigre ou du citron, et un peu d’eau au fond de la poele), le romarin aussi, ainsi que le bicarbonate ou la levure de boulanger en remplacement de la levure chimique dans les pâtes à pains ou les crêpes (8) par exemple.
L’autophagie pour éliminer les toxiques AGE
L’autophagie est un processus naturel qui peux permettre à nos cellules de se nettoyer et de se régénérer. Ainsi, les cellules sont capables de récupérer des protéines endommagées ou des déchets indésirables (y compris des AGEs), et de les recycler en nouvelles protéines, ou en énergie… Elle peut aussi favoriser l’élimination de vieilles cellules devenues inutiles, notamment au niveau de la peau.
L’autophagie est, depuis sa découverte, connue pour promouvoir la régénération cellulaire. Elle nous permet de lutter efficacement contre les méfaits de la glycation. Elle est, à ce jour, une des meilleures armes anti-âge naturelles, si l’on sait l’utiliser.
Ce processus cellulaire s’enclenche dans certaines conditions, notamment le jeûne, certaines activités physiques, et certains phyto-nutriments dont on parlera plus bas (voir notre article sur l’autophagie).
Des substances anti-glycation
Certaines substances ont prouvé leur effet limitant la glycation :
Carnosine : surtout concentrée dans le muscle et le cerveau, cette molécule fabriquée par notre corps à partir d’acides aminés (alanine, histidine) se raréfie en vieillissant. Elle peut réagir avec les sucres dans une réaction de glycation, préservant ainsi les autres protéines. La carnosine, une fois glyquée n’est pas toxique pour l’organisme et peut être éliminée. Des études ont montré son effet protecteur sur les fibroblastes (cellules qui fabriquent le collagène et l’élastine), son action cicatrisante et ses propriétés antioxydantes (1). On la trouve surtout dans la chair animale (viande rouge, volailles et fruits de mer) qu’il faudrait donc manger crue ou cuite à moins de 110°.
Des études sur l’animal ont pu montrer des augmentations de durée de vie de l’ordre de 20% avec la carnosine. Enfin, c’est aussi un chélateur des métaux lourds toxiques; elle aide leur élimination.
La beta-alanine est un acide aminé avec lequel notre corps fera de la carnosine. Certaines études montrent des élévations plus franches du taux de carnosine musculaire avec la beta-alanine qui pourrait être plus assimilable.
En complémentation chez l’homme : autour de 3 gr/jour.
Aminoguanidine : elle aurait, d’après certaines études, un effet protecteur de la rétine, des neurones et du rein chez le diabétique. Comme la carnosine, elle peut se substituer à nos protéines dans la réaction de glycation. D’autres études ont montré une amélioration de la circulation sanguine chez des artérioscléreux avec l’aminoguanidine et la diminution des taux de mauvais cholestérol (LDL) circulant. Elle pourrait cependant être mal tolérée par le foie chez certains (3).
La metformine : il s’agit, à la base, d’un anti-diabétique mais on lui a trouvé aussi des vertus préventives sur les maladies liées au vieillissement et à la glycation : anti-cancer, cardio-protecteur et neuro-protecteur.
La vitamine B1 et un de ses dérivés la benfotiamine ont démontré leur action préventive sur la glycation des protéines chez le diabétique (6).
La vitamine A au niveau cutané notamment.
Plantes et aliments anti-glycation
Voici encore diverses plantes ou extraits (dont beaucoup sont aussi riches en antioxydants flavonoïdes) où l’action anti-glycation a été démontrée dans des études :
– extraits de myrtille (8), extrait de raisin (OPC) et les aliments riches en flavonoïdes en général,
– feuilles de goyave et de noyer,
– alliacées (ail, oignons, poireaux…) (9),
– extrait de thé vert (10), resvératrol du raisin (11),
– acide alphalipoïque, carnitine, quercétine, tréhalose,
– les épices : romarin (abondamment employé dans le fameux régime méditerranéen), curcuma, cannelle, thym, girofle…
– toute la famille des brassicacées (choux)…
Notons que nombre de ces substances étudiées aujourd’hui était bien connu par les médecines traditionnelles (en particulier ayurvédique), et déjà proposé dans la lutte contre le vieillissement depuis quelques milliers d’années.
Les conseils pratiques d’Anti-âge Intégral :
Voici notre sélection de produits naturels pour lutter contre la glycation :
– le romarin est facile à rajouter dans vos plats (notez que les études montrent un effet anti-glycation avec les extraits mais pas avec l’huile essentielle qui ne contient pas les mêmes actifs.
– les OPC de raisins sont assez bon marché pour être des antioxydants puissants, avec des effets bénéfiques sur la circulation sanguine, l’inflammation, la peau (protège des UV)…
– l’ECGC de thé vert est un classique, il influence positivement les fonctions rénales, hépatiques, la digestion, le système nerveux, les allergies…
– le curcuma : beaucoup d’études notent aussi un effet anti-inflammatoire général, hépato-protecteur, antidiabétique, soutient rénal, antioxydant… Normalement, il faut de grandes quantités de curcuma en poudre pour être efficace d’après les études (à cause de la difficile absorption). Les extraits titrés en curcumine (principe actif du curcuma) sont plus pratiques et 1à 2 gélules par jour peut être suffisant. Les personnes au foie sensible ou présentant un problème des voies biliaires doivent demander l’avis d’un médecin pour bien le doser.
– la carnosine : anti-glycation de référence. Les doses quotidiennes efficaces sont de 0,5 à 1,5 gr. La carnosine est également un bon antioxydant. Elle améliore les capacités d’effort physique et la récupération musculaire.
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Conclusion
En médecine anti-âge, retenons que les produits dérivés de la glycation s’accumulent avec le temps dans le corps et qu’il convient donc de limiter cette réaction nocive. En premier lieu, il s’agit de ne pas la favoriser par une mauvaise hygiène alimentaire, en particulier, réduisez les sucres dits « rapides » (ceux qui augmentent rapidement la glycémie) et limitez la cuisson et sa température au mieux. Ceci réduira vos taux de glycotoxines qui sont de plus en plus difficiles à éliminer avec l’âge.
Il est évident que les aliments crus sont intéressants ici, d’autant plus qu’ils conservent intactes leurs vitamines et enzymes.
Enfin, en fonction de l’âge et de l’état de santé de chacun, il est aussi possible de supplémenter, par cures, avec des produits naturels tels que ceux cités ci-dessus, ayant une action contre la glycation.
Le regine Seignalet rejoint tout à fait ce que nous dit le docteur Morel , qui privilégi la cuisson vapeur.
Bonjour Docteur Morel
Je vous précise que dans le Biocurcumax il y a des additifs alimentaires dangereux pour nos intestins : Maltodextrine, Sels de magnésium d’acides gras … Quand on sait que de notre microbiote enflammé viennent presque toutes les maladies, on tire un trait sur ce genre d’additifs.
Merci pour cet article passionnant par ailleurs.
Cordialement
Danielle
Bonjour, vous parlez de la Aminoguanidine. Ou peut on acheter ce produit en France ? Merci pour votre retour.
L’aminoguanidine était utilise dans le traitement du diabète mais a été arrétée en tant que médicament. A ma connaissance, il n’y a pas de spécialité en France avec ce composant.
enfin un article intelligent Merci
Merci beaucoup pour ces renseignements pertinents sur la glycation. C’est vraiment instructif et nous donne de bons conseils pour améliorer nos façons de faire en termes de cuisson des aliments. Ça m’incite à manger cru plus souvent pour conserver tous les bons nutriments.
Peux ont associée carnosine et beta alanine en même temps ? Par avance merci
Bonjour,
J’ai une question pourquoi ne pas prendre de la Béta Alanine en précurseur de Carnosine ( qui est très cher ) ou bien peut être mixer les 2.
Merci
Oui, c’est possible. C’est écrit dans l’article, il semblerait que l’efficacité soit à peu près équivalente.
Ceci dit, associer les deux présente peu d’intérêt, c’est un choix à faire.
Désolé je n’avais pas vu. Je pense faire un jour 1500 mg de L Carnosine et le lendemain 3g Beta Alanine et 1 g L histidine. Avec une pause d’une semaine tous les 2 mois.
Merci pour votre blog de très grande qualité, facile à lire, instructif et joli ce qui ne gâte rien.
Excellent article
Merci. C’est un plaisir de partager.
Merci pour la divulgation de ces thémes si méconnus du grand public
Croûte du pain??? et bien ça va être dur de limiter le pain…et le coca Light. ..l’acide phosphorique. …autrement je mange cru donc ça va
Bonjour Docteur. Cet article très intéressant date de 2014. A il été mis à jour ? J’en ai beaucoup appris. Un peu tardivement car le mal est fait. Merci.
Merci pour votre intérêt. L’article est à jour. A ma connaissance, ces données sur la glycation n’ont pas été remises en question dernièrement. Bien au contraire, elle est de plus en plus considérée en tant que facteur de diverses maladies de dégénérescence.
Très très interessant
Merci beaucoup à vous, Monsieur Jean-Luc Morel. Les informations que vous nous donnez dans cet article sont vraiment très précieuses. Cela m’a fait beaucoup plaisir d’apprendre que des plantes aussi ordinaires et à accès facile telles que l’ail, le curcuma, la cannelle…, ont une action anti-glycante.
Encore une fois, merci et je vous souhaite une excellente santé.
C’est vrai qu’on nous dit toujours plein de choses sur les antioxydants et rien sur la glycation. c’est dommage. Pourtant le mal du siècle chez nous, c’est bien le sucre. une drogue dure qu’on nous met partout depuis l’enfance. Je vais donc manger de l’ail et des échalottes, j’adore ça…
Remarquable efficacité (mais troubles gastro-intestinaux possibles) avec la metformine (un antidiabétique) à petites doses,