Les sciences humaines s’appliquent à démontrer que les interactions sociales sont importantes pour l’homme. Mais depuis peu, c’est la recherche scientifique qui vient corroborer les données empiriques et fait même des relations sociales un des éléments clés permettant l’allongement de la durée de vie.
« L’homme est un être sociable, la nature l’a fait pour vivre avec ses semblables »: Aristote. Il faut croire que le philosophe grec avait déjà raison.
C’est l’empathie qui marche le mieux
Dans nos sociétés occidentales, tout pousse à l’individualisme, la compétition et l’enrichissement personnel, bien souvent au détriment d’autrui. Mais sommes nous plus heureux pour autant ? La réponse n’est pas évidente lorsqu’on sait qu’en France, 5 millions de personnes souffrent de la solitude chaque année. C’est la constatation d’un fait qui augmente avec l’âge.
Voilà pourquoi, des psychologues de l’Université de Würzburg et de l’institut Max Planck à Leipzig (Allemagne) se sont penchés sur l’étude des comportements prosociaux. La pro sociabilité désigne l’ensemble des comportements qui visent à aider, soutenir ou améliorer le bien-être physique, social ou psychologique de l’autre. Une attitude qui passe bien souvent par l’empathie ainsi que le don, le partage ou encore la coopération.
L’étude publiée dans Scientifics Reports, montre que la pro sociabilité est malléable et peut faire l’objet d’entrainements au quotidien. Ceci permettrait à l’homme d’acquérir plus facilement un comportement bienveillant à l’égard d’autrui, garant d’un lien social bien fondé. Ce même lien social favorise largement la santé et la longévité comme nous le verrons.
Voici l’étude : les scientifiques ont rassemblé un groupe de participants qu’ils ont soumis à des exercices d’entraînement mental :
- Le premier développait un état de conscience ancré dans l’instant par le biais des sensations corporelles.
- Le deuxième, des compétences d’ordre socio-affectives comme la compassion, l’empathie ou encore la gratitude.
- Le troisième s’attardait plus sur les compétences cognitives de la personne et sa capacité à comprendre le point de vue de l’autre.
Au terme de cette étude, les chercheurs ont démontré que seul le module n°2 (« empathie/compassion ») permettait aux participants d’adopter un vrai comportement altruiste (visant à améliorer le bien-être d’autrui). D’une manière générale, ils étaient plus généreux et plus attentifs à la personne en face d’eux.
Les liens sociaux pour mieux conserver la santé
Adopter un comportement pro social peut donc s’apprendre, mais également s’oublier. D’où l’importance d’entretenir des relations de qualité avec son entourage pour favoriser des liens durables qui peuvent avoir de sérieuses conséquences sur notre état de santé.
C’est en tout cas ce que tend à démontrer une étude américaine publiée dans la revue Proceeding of The National Academy of Sciences. Les chercheurs voulaient mettre en avant l’impact des liens sociaux sur le maintien la santé tout au long de la vie. En effet, pour eux, plus les liens établis sont précoces et meilleur sera l’état de santé.
Ils ont ainsi pu démontrer qu’au début et à la fin de la vie, les interactions sociales étaient beaucoup plus importantes. Dans le cas de l’adolescent comme dans celui de la personne âgée, l’isolement et la solitude seraient des facteurs de risques entraînant des mécanismes inflammatoires. Les risques sont accrus vers la fin de la vie et peuvent être dangereux pour la santé, plus que le diabète ou l’hypertension artérielle. « La relation entre la santé et le degré auquel les gens sont intégrés dans les grands réseaux sociaux est la plus forte au début et à la fin de la vie ».
En utilisant des données récoltées par quatre enquêtes nationales et couvrant la durée de la vie des personnes étudiées, ils ont évalué trois dimensions des relations sociales :
- l’intégration sociale
- le soutien social
- la contrainte sociale.
Ils ont ainsi mis en évidence que les relations sociales jouent un rôle dans l’obésité abdominale, l’inflammation, l’hypertension artérielle, les maladies cardiaques, les AVC et les cancers. « Au fil du temps, le manque d’interaction peut conduire à des maladies chroniques du vieillissement. Le cancer est un exemple de premier plan… » déclarent les chercheurs. Ils ajoutent que leurs différentes analyses devraient susciter plus d’attention de la part des professionnels de la santé.
Une bonne vie sociale fait vivre plus longtemps
Les faits
Au final, les gens qui ont de bonnes relations sociales et sont bien entourés vivent plus longtemps et en meilleure santé. Ce sont des évidences désormais reconnues par la communauté médicale.
C’est également le constat de Julianne Holt-Lundstad, auteure principale d’une étude menée par les universités de Brigham Young et de Chicago qui a fait, une fois de plus, la corrélation entre longévité et vie sociale. Publiée dans « Plos Medicine », elle rassemble 148 rapports sur la santé et les relations sociales impliquant plus de 300 000 personnes. Les résultats montrent qu’en moyenne, une vie sociale riche augmente l’espérance de vie de 50 %. Et même de 60 % chez certaines personnes favorisant le soutien social (personnes sur qui on peut compter) et l’intégration sociale (interactions sociales fréquentes). Des chiffres incroyables !
Une vie sociale épanouie serait donc un facteur primordial pour accroître la longévité. Encore plus fort : ce serait plus efficace que la pratique d’un sport, ou l’arrêt du tabac ou de l’alcool ! « Ces résultats indiquent que l’influence des relations sociales sur le risque de décès est comparable à des facteurs de risque de mortalité bien établis, tels que le tabagisme et la consommation d’alcool, et dépasse l’influence d’autres facteurs de risque, tels que l’inactivité physique et l’obésité… ».
Comment les liens sociaux augmentent la longévité
D’un point de vue physiologique, les interactions sociales favorisent la production de neurotransmetteurs qui augmentant la confiance en soi et la sensation de bien-être. Ceci est notamment dû à la production d’ocytocine (hormone du lien social et de l’attachement) et de la dopamine (neurotransmetteur du plaisir et de la récompense) qui permet la diminution de l’hormone du stress (cortisol).
Pour les chercheurs, plusieurs pistes peuvent également expliquer ces résultats. Au-delà d’enrichir ses connaissances, de remonter le moral et de partager de bons moments avec autrui, la présence d’un proche peut également inciter à prendre soin de soi. Des circonstances qui « obligent » d’une certaine manière à se fixer des objectifs journaliers et qui maintiennent la personne âgée en alerte. « Quand quelqu’un est connecté à un groupe et se sent responsable pour d’autres personnes, cela se traduit par ce sentiment des responsabilités et la volonté de mieux prendre soin de soi et d’éviter les risques » explique Julianne Holt-Lundstad.
Par ailleurs, l’entourage est également susceptible de mieux détecter d’éventuels problèmes de santé et favorise donc, une prise en charge plus rapide.
Plus de liens, moins de stress, plus de santé
On sait que la réaction de stress prolongée (et la production des « hormones du stress« ) est un facteur majeur de problèmes de santé et d’accélération du vieillissement (voir notre article explicatif). C’est peut-être même aujourd’hui, le plus important.
Cette réaction du corps, dans notre monde moderne, n’est plus vraiment déclenchée par des situations brèves de grand danger vital, mais plutôt par de mauvaises relations avec autrui : au travail, dans le couple, avec le voisinage, ou bien par l’isolement et l’absence de relations. Il s’agit ainsi d’un stress chronique, très néfaste pour la santé et la longévité.
Il parait dès lors logique qu’en créant plus de liens ou en améliorant (voire en supprimant) certaines relations, on réduise tout simplement ce stress, permettant alors au corps de mettre en oeuvre ses processus naturels d’auto-guérison et de régénération, pour une meilleure longévité.
Les effets du « vivre ensemble » sur l’organisme
Se savoir bien entouré limite les effets du stress
Afin de corroborer ces découvertes récentes, d’autres études ont vu le jour. L’une d’entre elles, notamment, confirme l’importance des relations sociales et de l’entourage dans des situations stressantes. En effet, lorsque nous sommes accompagnés d’un proche, notre pression artérielle et notre fréquence cardiaque ont tendance à moins augmenter qui si nous étions seuls. Des observations mises en évidence par l’imagerie cérébrale qui montre une réaction activée dans le cortex cingulaire pour une personne seule et atténuée pour une personne accompagnée. Des résultats similaires ont également été observés chez les enfants autorisés à parler avec leur mère après une rencontre stressante.
Notre vie sociale renforce nos défenses immunitaires
Enfin, l’une des expériences les plus célèbres sur la vie sociale et la santé, menée par Sheldon Cohen de l’Université de Carnegie Mellon, montre que les participants ayant développé de forts liens sociaux ont plus de facilité à lutter contre la maladie. L’étude consistait à exposer des centaines de personnes saines au virus du rhume. Après plusieurs jours de quarantaine, celles avec beaucoup d’amis montrent un système immunitaire plus actif que celles qui sont seules.
Les populations riches en centenaires ont une vie sociale heureuse
Dans les fameuses « zones bleues », ces régions du monde où l’on trouve des communautés qui abondent en centenaires et qui vivent en meilleure santé que la moyenne (comme Okinawa par exemple), on retrouve un tissu social fort et riche d’échanges.
On peut aussi observer ce phénomène dans les populations scandinaves dont le mode de vie favorise largement le lien social et l’art du bien-être (plus de détails dans cet article).
La personne qui vieillit continue souvent de travailler (à un rythme plus lent), ce qui maintient les relations avec les autres. Les liens familiaux sont plus soudés et les personnes âgées ne sont pas exclues du groupe. C’est une preuve de plus de l’importance du côté relationnel dans la longévité.
Comment entretenir une vie sociale et des liens
Jusqu’à présent, le manque de données scientifiques sur le sujet, n’autorisait pas les médecins à mettre l’accent sur l’importance du soutien social comme un facteur de bonne santé, au même titre que l’arrêt du tabac ou la pratique sportive régulière. Maintenant, les preuves récentes devraient sensibiliser les professionnels de la santé ainsi que le grand public sur la question.
D’ores et déjà, les chercheurs mettent l’accent sur l’importance d’entretenir un environnement social tout au long de notre vie. Comme évoqué plus haut, ce n’est pas tant la quantité que la qualité qui prime dans l’entourage. Pour cela, voici ce qui serait important de faire dans sa vie :
- Entretenir nos relations au quotidien, qu’elles soient familiales ou amicales, et y être actif (proposer des sorties, des évènements, des rencontres…)
- Apporter un soutien social aux autres et donc s’exercer à un comportement pro social
- Être vraiment présent dans les relations humaines et savoir faire abstraction des sollicitations qui nous entourent (travail, ordinateur, télévision…)
- Développer son sens tactile (le toucher) qui permet de renforcer le sentiment de bien-être et l’estime de soi
- Aller à la rencontre des autres pour élargir son cercle d’amis
- Cultivez les sentiments de gratitude et de reconnaissance pour habituer notre cerveau à s’arrêter sur les choses positives de la vie. L’exprimer à nos proches permet de renforcer les liens qui nous unissent à travers les émotions partagées.
« On n’a pas le temps, si brève est la vie, pour les chamailleries, les excuses, l’animosité, les appels à rendre des comptes. On n’a que le temps pour aimer et pas un instant de plus, pour ainsi dire, que pour ça » – Mark Twain
Avec la collaboration de Claire Joinier
PS Hormis le sens tactile car tout le monde n’apprécie pas d’etre touché et de devoir embrasser de parfaits inconnus ou des gens à qui on est parfaitement indifferent juste pour dire bonjour alors que ce devrait être réservé aux intimes, j’ai reellement FAIT tout cela pensant que c’était à moi d’y mettre du mien, et j’en ai retiré la desagreable sensation d’avoir été pillée et vidée la plupart du temps. Par la suite je me suis retrouvee isolee face à des difficultés que j’ai du résoudre seule, ou que je n’ai pas pu resoudre du tout faute de conseils ou soutien. Je n’ai pas l’intention de recommencer.
Je pense sincèrement que le salut n’est pas das le réseau mais dans l’autonomie. Ne dépendre de personne dans la mesure du possible est le premier geste santé que l’on peut faire pour soi.
Bonjour,
Y a t’il des alternatives ? Car vraiment, c’est un domaine dans lequel je ne suis absolument pas douée, et mes tentatives (sans calcul ni arrière pensée ni dans un but de santé ou autre) de vie sociale pour les relations en elles-mêmes m’ont réellement et probablement définitivement dissuadée de m’y hasarder à nouveau. Je me suis beaucoup documentée sur le sujet pour compenser le fait que ce n’est pas inné chez moi, et depuis l’idée de réseau relationnel quelque part entre symbiose, transaction et note sociale me rebute plus que jamais, je trouve ça vraiment effrayant j’ai l’impression d’etre engluée, évaluée et rejetee à la fois. Dois je me préparer pour autant à mourir de vieillesse dans les 2 prochaines années ?
Votre situation ne déclenchera rien de cela, surtout si vous la vivez bien. Chaque personne est un cas particulier. Il n’y a pas de norme absolue.
Cette article concerne diverses études qui montrent, qu’en général, les personnes avec plus de relations vieillissent mieux et moins vite que les personnes isolées. Cela serait donc positif, et l’on aurait pu s’en douter car l’être humain vit a priori mieux entouré de ses congénères que seul et sans contacts. Merci pour votre intérêt.
Bonjour,
En revanche, lorsquon souffre d’anxiete generalisee et de phobie sociale, quon est très eloigne de ce reseauidealgarantdubienviellirquifaitreverdanslesconapts, quon ne sait pas intrepreter les expressions faciales et quon ne sait jamais quant c’est à son tour de parler ni comment se comporter, meme en presence d’amis de longue date avec qui on est en bons termes et dont on apprecie la compagnie et reciproquement, ça genere un stress enorme.
Est ce à dire quon est mûr pour l’hospice ;P ?
ca a generalement des repercussions sur la qualité de vie et le parcours et il n’est pas rare de se retrouver en total décalage avec des individus aisés et parfaitement adaptés à la vie matérielle qui se seront en outre approprié ce que la vie nous aura laissé, avec davantage de moyens. Peu de gens s’interessent ou veulent frequenter un individu qui ne « peut pas suivre ». Dans ce cas il est difficile de prendre le risque d’entretenir des relations, on n’a rien à apporter en echange. (Et si on est un tant soit peu lucide on evitera de frequenter aussi paumé que soi, ce qui ne peut rien apporter de bon) Ces conseils peuvent profiter à beaucoup de monde mais pas à tous. Toutefois pour ma part j’ai de la chance car pour etre dans ce cas, j’ai des amis, peu nombreux mais sinceres c’est en effet la qualité qui importe.
Heureusement qu’il existe des equivalents sans avoir à relationner pour autant…
Que faire lorsqu’on n’apprecie ni les interactions sociales ni la compagnie et quon ne se sent bien que seul ? essayer encore aupres de personnes sympathiques et d’amis ou est il possible de remplacer par de la meditation ?
Certaines personnes sont très isolées, egalement, que peuvent elles faire ?
merci! article intéressant, et logique